jeudi 3 décembre 2009

les dernières heures d'un condamné à mort(Pruvost Gregory)

(Pruvost Grégory)

Les dernières heures d’un condamné à mort au Québec

jeudi 1er mars 2007, par Raymond Ouimet

De 1867 à 1971, année de l’abolition officielle de la peine de mort au Canada, 710 personnes ont été exécutées dont 13 femmes. Le présent article raconte le déroulement d’une exécution au Québec en 1902.

Stanislas Lacroix s’apprête à vivre la dernière nuit de son agonie dans sa cellule de la prison de l’ancienne ville de Hull (aujourd’hui Gatineau), lui qui a été condamné à la peine capitale pour l’assassinat de sa femme et d’un vieillard, le 24 août 1900 à Montebello (70 kilomètres à l’est de Gatineau). Il reçoit beaucoup de visiteurs, dont son fils qu’il étreint et embrasse. L’enfant veille avec son père qu’il ne veut pas quitter et s’endort sur ses genoux en milieu de soirée. On le porte alors chez le gouverneur de la prison où il partagera pendant toute la nuit la chambre de l’un des fils du fonctionnaire judiciaire.

Lacroix passe le reste la nuit entouré de trois de ses frères, d’une de ses sœurs et d’une belle-sœur qui versent forces larmes, de même que de deux religieuses, deux amis et l’épouse du directeur de la prison. À côté de la cellule, une pièce renferme plusieurs journalistes qui épient chacun des gestes du condamné. Le groupe de parents récitent le chapelet, en compagnie de sœur Duhamel qui a enseigné au prisonnier dans son enfance, autour de Lacroix qui est prosterné devant un autel qui a été monté juste devant sa cellule. Deux étages plus haut, le bourreau Radclive, mal en point, dort dans une cellule et dégage une forte odeur de teinture d’iode. Quelques heures plus tôt, dans un hôtel de Hull où il se soûlait la gueule, il a reçu une raclée après avoir apparemment déclaré : « Je viens pendre un [Canadien] Français, j’espère que ça ne sera pas le dernier ! »

Peu avant l’aube, Lacroix fait sa toilette. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit. Il s’habille de vêtements noirs puis marche dans le corridor attenant à sa cellule. Il est faible : au cours des 28 derniers jours, il n’a pris que cinq repas complets ! Un barbier vient faire sa toilette. Le père Provost, qui porte une chasuble blanche garnie de dorures, vient célébrer la messe - pour ne pas dire des funérailles par anticipation - qui est servie par le fils du directeur de la prison et, chose à peine croyable, par le propre fils de Lacroix ! Une vingtaine de personnes, pour la plupart des membres de la famille, assistent à la cérémonie liturgique. Sur l’autel, quelques fleurs et des cierges. Stanislas Lacroix communie et, après la messe, bénit son fils à qui il demande de bien travailler à l’école et de ne jamais boire ou goûter à l’alcool. Il s’adresse ensuite aux autres membres de sa famille et les prie de faire le serment de ne plus boire de boissons alcooliques, ce qu’ils promettent. Ensuite il demande à son frère, David, de s’occuper de son fils et si possible d’en faire un prêtre ! La famille en pleurs, après s’être obligée à faire inhumer leur frère à Montebello, s’éloigne alors du condamné déjà engagé dans l’éternité. Lacroix est prêt, prêt à mourir, à accéder au Ciel que ses confesseurs lui ont promis.

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